Francois Branciard Blog
Blockchain : un nouveau terrain de jeu pour les œuvres
08.04.20209 Min Read — In Art

Conférence lors du TEDxUSMB alliant technologies décentralisées, création artistique et des nouvelles formes d'organisations de nos échanges

Note : English blog post version can be found here

Le premier TEDxUSMB a été organisé en novembre 2019 à l'occasion des 40 ans de l'Université de Savoie Mont-Blanc. C'est ici, à Annecy en 2007 , que j'ai été étudiant ingénieur.

Lors de cet événement TEDx, j'ai eu l'opportunité de partager aux étudiants du campus certains de mes centres d'intérêt alliant technologies décentralisées, création artistique et des nouvelles formes d'organisations de nos échanges. Une vision mise en lumière par une présentation de la blockchain comme un nouveau langage pour tracer l'histoire et les échanges d'une œuvre d'art.

Blockchain : un nouveau terrain de jeu pour les oeuvres | François Branciard | TEDxUSMBAnnecy


Introduction

Voici la dame à la capuche ! La plus ancienne représentation d'un visage humain.

Sculptée il y a environs 25 mille ans.

Sculptée dans un bout d'ivoire de quelques centimètres.

Elle est considérée comme l'une des premières œuvre d'art de l'humanité.


Dame de brassempouy Photo musee archeologie national©RMN-GP. Jean-Gilles Berizzi.

Si comme moi vous êtes curieux, vous vous demandez qui a pu créer cela, pour qui, pourquoi ?

Est-t-est ce une simple décoration, un porte-bonheur, un bijou, un cadeau, une offrande votive?

Dans une œuvre d'art, au-delà de l'aspect esthétique, il y a aussi l'histoire associée, le contexte et la culture. Une œuvre va s'inscrire soit dans la culture, soit en opposition avec celle-ci.

Par exemple, cette représentation est atypique. En effet la plupart des autres vénus préhistoriques n'ont pas de représentation très marquée des traits du visage.

À travers l'œuvre, ce sont les hommes de l'époque qui nous parlent. Tout ceci créant la richesse et la valeur de l'objet en question.

Malheureusement pour une œuvre aussi ancienne, à par avoir recours à notre imagination, nous ne pouvons pas tracer son histoire de manière précise.

Mais, pouvons-nous faire mieux aujourd'hui ?

Pour ce que nous créons, que restera-t-il dans 5000, 10000 ans ?

Y a-t-il un moyen d'enregistrer et tracer l'histoire d'une œuvre d'art ?

Et surtout, quel support utilisé ?

Quel langage universel pouvons nous choisir ?


Le langage, le support et la propagation

J'aimerais avec vous inventer une solution. Cette solution combine deux de mes activités quotidiennes.


Sculpture en cours

Premièrement le week-end, j'apprends la sculpture. La sculpture sur pierre entre autres.

Pour notre support, les pierres sont la depuis des millions d'années. On peut leur faire confiance pour perdurer.

Je reproduis la dame à la capuche. En plus primitif, pour l'instant, comme vous pouvez le constater.

Maintenant pour le langage universel pour enregistrer l'œuvre.

Nous pouvons nous tourner vers les mathématiques. Plus précisément utiliser la cryptographie. C'est ce que j'utilise au quotidien en tant que blockchain développeur la semaine.

La cryptographie va permettre de signer des messages assurant authenticité et intégrité. Ce que nous avons besoin pour identifier une œuvre de manière unique.

La cryptographie n'est pas récente. Ce fut un art ancien utilisé dès l'antiquité pour chiffrer des messages. Un art devenu science à part entière avec l'avènement de l'informatique dans les années 70.

Pour résumer :

  • Pour référencer l'histoire d'une œuvre: la pierre comme support.
  • La cryptographie pour mathématiquement écrire et signer notre message.

Mais nous n'avons pas encore un moyen de publier et propager cette information.

C'est là que nous allons utiliser la blockchain.

Qu'est-ce que la blockchain ?

Quelles sont les propriétés qui vont nous intéresser ?

En quoi va-t-elle nous aider à propager notre information ?


La blockchain

La blockchain c'est un agencement ingénieux de technologies existantes.

Cela va regrouper la technologie internet, base de données distribuées, les réseaux pair à pair. Tout ceci permet un horodatage temporel des événements que l'on enregistre.

Et cet agencement ingénieux, c'est ce que l'on va appeler dans l'informatique: un protocole :

Blockchain : Protocole

Un protocole, c'est l'ensemble des règles à respecter pour bien communiquer.

Des protocoles que vous utilisez tous les jours, c'est par exemple lorsque vous envoyer un e-mail, vous utilisez un protocole de messagerie.

Si l'on prend le protocole Tedx, vous avez un rond rouge, un micro, une lumière, un temps limité, un orateur et un public.

Pour qualifier ce protocole, nous ajoutons la notion de transfert :

Blockchain : Protocole de transfert.

Respecter le protocole va nous assurer la non-duplication de la donnée et donc la conservation de la valeur.

Contrairement à un site internet dont vous pouvez copier coller le contenu à l'infinie. Ici l'information est comme un jeton. Jeton que l'on peut posséder et se transférer. Si je vous le transfère, le protocole s'assure que vous l'avez et surtout s'assure que je ne l'ai plus.

Ce jeton peut être une valeur financière crypto-monnaie ou crypto-actif, mais il peut être aussi un droit particulier, comme un droit de vote ou dans notre cas, un droit de propriétés d'une œuvre.

Enfin, la dernière composante de la définition est Pair à Pair :

Blockchain : Protocole de transfert pair à pair

C'est-à-dire sans intermédiaire (de confiance), c'est un réseau entier qui va porter l'information et non une entité centrale.

Nous ne voulons pas d'intermédiaire centralisé ou conservateur unique.

Car il sera voué à disparaître sur notre échelle de plusieurs milliers d'années. Nous voulons inscrire cela dans un réseau décentralisé, distribué et donc plus résilient à l'oublie.

En effet, une blockchain publique est composée des dizaines de milliers de nœuds assurant la longévité et l'universalité de l'information.


La signature de l'œuvre , la référence blockchain et le fil d'Ariane

Très bien, Maintenant accrochez-vous, nous allons enregistrer notre œuvre pour quelques milliers d'années.

Premièrement, nous utilisons la cryptographie pour générer une adresse unique qui représentera notre œuvre. Sur cette adresse, nous allons écrire des règles qui vont régir les transferts. Comme un registre dédié à notre œuvre d'art. Cette adresse et ce code sont alors enregistrés sur la blockchain. L'œuvre est alors référencée par un agent autonome. Agent autonome appelé aussi smart contrat dans la littérature sur le sujet. Mais je préfère l'appeler agent autonome.

Revenons à notre objet physique, vous avez votre œuvre, vous avez votre référence propagée sur la blockchain via cet agent autonome, maintenant comment lier les deux?

Pour cela, au moment de la signature de l'œuvre par l'artiste, reprenez votre ciseau de sculpteurs et graver sur l'œuvre elle-même la référence, l'adresse de l'agent autonome. À côté de la signature habituelle.

Cette référence gravée sur la pierre sera le point de départ de l'histoire, comme un fil d'Ariane à suivre.

Dans ce nouveau registre agent autonome, la première chose que l'on va inscrire c'est le créateur de l'œuvre et la description, puis viendra les différents propriétaires de cet œuvre d'art au cours du temps ainsi que le prix.

Sur ce réseau, l'heureux nouveau propriétaire peut montrer la preuve cryptographique de possession de l'objet sans passer par un service tiers.

De plus, l'artiste créateur, premier propriétaire, peut, à tout moment, prouver la paternité sur l'oeuvre en question.

Mais on peut aller au-delà d'un simple registre. On peut coder des nouvelles règles. Un exemple de règle : à chaque nouvelle vente, le créateur initial reçoit une part des bénéfices des ventes.

Si l'artiste veut instaurer un peu de démocratie, l'ensemble des propriétaires successif pourraient voter pour fixer ce pourcentage de rétribution.

Ces mécanismes c'est ce que l'on va appeler la monnaie programmable: une des caractéristiques offerte par la technologie blockchain.

Dans cette programmation de la monnaie, on peut aussi ajouter des contraintes. Et parmi les contraintes, cela peut être une contrainte de prix, mais aussi une contrainte de temps. À savoir, pouvoir vendre ou transférer cet œuvre d'art qu'une fois par an ou tous les 10 ans. Et ainsi modifier, tout dû moins impacter, la valeur associée.

Finalement la signature n'est plus une fin en soi mais le debut d'une nouvelle histoire. Nouvelle histoire créee et démarrant à partir d'une seule référence.

Ce n'est alors plus une personne qui possède l'œuvre, mais c'est l'œuvre elle-même qui détient l'histoire et l'ensemble des interactions dont elle a fait l'objet depuis sa création jusqu'aux ventes successives.

À travers la blockchain, l'œuvre est devenue un agent autonome invitant à l'interaction dans un registre public dynamique. C'est en soi-même une création artistique nouvelle.

Cet agent autonome ou smart contrat s'est une proposition de rassembler. Il ne contraint pas. Si vous ne voulez pas interagir avec lui vous ne le faites pas.

Ici la proposition de valeur pour interagir avec lui c'est de créer une histoire encodée, grâce à la cryptographie, de manière décentralisée dans un registre public et accessible à tous.


Conclusion

Nous pouvons jouer avec la technologie.

Changer notre façon d'organiser nos échanges.

Et dans une société où l'accumulation est devenu la règle du jeu, c'est une façon de re penser notre société ou l'accumulation de capitaux connaît un certain déséquilibre :

La richesse de l'homme n'est pas dans la possession ou l'accumulation de bien. Mais nous sommes riches de nos échanges et partages de ce que nous créons.

Dans cette présentation j'ai parlé d'œuvre, d'œuvre d'art.

Mais je pense que le mot "œuvre" est important.

C'est le sens même de votre travail de demain.

Je suis entrepreneur depuis quelques semaines, c'est pour moi le passage et l'orientation vers un nouveau sens du travail : passer du salariat à l'entreprenariat, passer du labeur à l'ouvrage.

La blockchain permet de tracer l'histoire et les échanges d'une façon innovante, à vous maintenant d'innover et de tracer aussi votre histoire.

Je vous souhaite de trouver votre sens qui vous conduira à votre métier.

Vos études ne sont pas une accumulation de compétences mais une invitation à trouver votre pierre à apporter à l'édifice.

Vos œuvres à créer dans vos futurs métiers respectifs.

Ne devenez pas des techniciens, mais des ouvriers, ou je devrais plutôt dire, des oeuvriers !

Pour matérialiser ce passage de la technique à l'ouvrage dans votre quête.

Je finirai par une citation de Picasso que j'ai faite mienne dans ma vie:

Apprends les règles comme un professionnel afin de pouvoir les briser comme un artiste. - Picasso

Merci.

F.Branciard

Le 21 Novembre 2019 à Annecy lors du TEDxUSMB


Sculpture F.Branciard. "La dame à la Capuche Beaujolaise".2020.


Granite rouge des crus du Beaujolais.
Merci à Aurélie Moreau et son Atelier pour l'aide et l'apprentissage sur cette sculpture.


Activités blockchain : http://luguslabs.com

Sculptures : https://www.instagram.com/fbranciardatelier/

Tweets : https://twitter.com/fbranciard





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